La Chaire Cyber CNI, portée par IMT Atlantique en collaboration avec Télécom Paris et Télécom SudParis, dédiée à la cybersécurité des infrastructures critiques entame sa Phase IV (2025-2028). Avec le soutien renouvelé de ses partenaires industriels, elle poursuit son ambition : rapprocher la recherche académique des besoins opérationnels afin de renforcer la résilience et la souveraineté numériques.
Pour marquer ce lancement, nous vous invitons à rencontrer Norbert Chassang, représentant d’AIRBUS et président de la chaire, Marc-Oliver Pahl, Enseignant-Chercheur à IMT Atlantique et directeur de la chaire, ainsi que Véronique Stephan, directrice développement et relations entreprises à IMT Atlantique, pour découvrir les enjeux et perspectives de cette nouvelle phase.

1. Marc-Oliver Pahl, quel est le sujet de la chaire et quels en sont les principaux objectifs ?
La chaire s’intéresse à un sujet de tout premier plan : la cybersécurité des infrastructures critiques, un enjeu central pour la résilience de nos territoires et la souveraineté numérique de la France. Structurée par phases successives, nous menons aujourd’hui les phases 3 et 4. Elles nous permettent de concentrer nos efforts sur les thématiques que nous jugeons les plus porteuses pour les années à venir. Nos travaux couvrent un spectre très large :
- la recherche fondamentale avec l’exploration des apports de l’intelligence artificielle, des jumeaux numériques ou encore du calcul quantique pour bâtir demain des systèmes réellement robustes ;
- la prévention, notamment à travers la sécurisation de la chaîne d’approvisionnement logicielle, un sujet devenu absolument stratégique ;
- la détection avancée, qu’il s’agisse d’anticiper des attaques zero-day via des honeynets réalistes ou de s’appuyer sur des signaux faibles (acoustiques, électriques, etc.) pour repérer une anomalie depuis l’extérieur même du système ;
- la défense distribuée, indispensable pour des environnements toujours plus interconnectés ;
- et enfin la dimension humaine, avec des interfaces de cybersécurité réinventées et des travaux sur la désinformation, dont on mesure chaque jour l’impact sociétal.
La chaire assume également une mission de diffusion scientifique : formation continue, conférences TALK.CYBER, école doctorale Future-IoT, MOOC grand public, etc. Nous nous attachons à irriguer l’ensemble de l’écosystème. C’est cette combinaison : excellence scientifique, ancrage industriel et partage des connaissances qui fait aujourd’hui la force de la chaire.
2. Véronique Stephan, selon vous, en quoi les chaires s’inscrivent-elles dans la stratégie globale de développement de l’école, et quels bénéfices apportent-elles à l’écosystème élèves–enseignants–entreprises ?
IMT Atlantique est reconnue pour l’excellence de sa recherche, la qualité de sa formation et l’intensité de ses relations avec le monde économique. Rattachée au ministère en charge de l’industrie et du numérique, elle doit répondre aux enjeux liés aux transitions. Et la chaire est un outil au service du développement stratégique de l’industrie. Inscrites dans une collaboration à long terme, les chaires sont des objets fortement emblématiques qui incarnent une expertise d’enseignement et de recherche sur des thématiques émergentes conçues pour et avec les entreprises partenaires. Ces résultats infusent les enseignements au bénéfice des étudiantes et des étudiant, facilitent les interfaces (cours, projets, stages, terrains d’apprentissage etc..) grâce à la relation de confiance installée.
3. Norbert Chassang en quoi ce type de collaboration avec le monde académique est-il important pour une entreprise comme la vôtre ?
Pour tout entreprise, la préparation de l’avenir est une fonction essentielle et cela passe par divers canaux qui ont par essence des tempos différents. On peut citer la recherche fondamentale, la recherche et le développement sur fonds propres ou encore l’innovation d’usage. La collaboration avec le monde académique s’inscrit tout naturellement dans le 1er volet : la recherche fondamentale. Elle permet dans une relation « gagnant-gagnant » d’explorer le champ des possibles à moyen ou long terme, de soutenir les élèves, les chercheurs et de les accompagner dans cette confrontation de leurs travaux à la réalité et aux perspective industrielles.
4. Véronique Stephan, quel rôle l’école joue-t-elle dans la structuration et l’accompagnement de cette chaire ?
S’appuyant sur de nombreuses années d’expérience sur le montage de chaires, IMT Atlantique utilise cet outil en réponse aux enjeux stratégiques de ses différents partenaires pour développer des thématiques de recherche et/ou d’enseignement innovantes de niveau national, international ; et accompagner également une transformation sociétale, ou une ambition portée par son ancrage territorial. Ce fut le cas pour la chaire Cyber CNI avec la région Bretagne, lancée en janvier 2016 dans la dynamique du Pôle d’Excellence Cyber, dans un domaine alors émergent de la cyber devenu depuis une priorité nationale.
5. Marc-Oliver Pahl, vous êtes enseignant-chercheur à IMT Atlantique. Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur vos travaux de recherche et la manière dont ils s’articulent avec la chaire ?
La chaire constitue un cadre exceptionnel de recherche finalisée, qui nous permet de rester au plus près des besoins du terrain tout en conservant une vraie ambition scientifique. Grâce au mécénat, nous évoluons dans un écosystème unique réunissant plusieurs industriels, plusieurs écoles et plusieurs institutions publiques. C’est un environnement rare, stimulant, où chacun apporte sa vision et ses contraintes, et où émerge une intelligence collective. En tant que titulaire de la chaire, j’ai le privilège de suivre l’ensemble des axes et de créer des passerelles entre les équipes, ce qui est essentiel pour faire naître de véritables innovations. Mes propres travaux s’inscrivent pleinement dans cette dynamique :
- Conception de honeynets réalistes pour mieux comprendre les modes opératoires des attaquants ;
- Usage de l’IA et des jumeaux numériques pour renforcer la prévention et la résilience ;
- Détection d’anomalies via des canaux auxiliaires originaux ;
- Algorithmes de défense décentralisés inspirés des systèmes biologiques ;
- Interfaces de cybersécurité repensées pour remettre l’humain au centre ;
- Lutte contre la désinformation, qui est devenue un enjeu transversal.
Cette articulation entre recherche amont, démonstration technologique et cas d’usage industriels constitue, à mes yeux, l’ADN de la chaire.
6. Norbert Chassang, quel est votre rôle au sein de AIRBUS Defence and Space et comment intervenez-vous concrètement dans le cadre de la chaire ?
Au sein D’AIRBUS Defence and Space, j’occupe la fonction de Key Account Manager (KAM) pour le domaine Cyber ; dit autrement, je suis, de par mon passé militaire et les fonctions que j’ai occupées, leur conseiller défense pour le domaine Cyber. Cela me conduit à avoir des relations très étroites et de confiance avec tout l’écosystème Cyber du Ministère des armées. Si on pense naturellement aux unités qui utilisent au quotidien en métropole comme en opération ces capacités, il en va aussi des entités en charge de la préparation de l’avenir (quels besoins demain ?) et de celles en charge de formations académiques et militaires pour le domaine Cyber.
Assurer la présidence de la chaire Cyber CNI est dès lors un peu une synthèse de mes responsabilités et des enjeux qui y sont associés. Entouré de personnes très qualifiées techniquement, comme Marc-Oliver Pahl, je m’attache pour ma part à inscrire mon action dans tout ce qui est nécessaire pour le bon fonctionnement de la chaire : garantir sa solidité administrative et organisationnelle mais surtout affirmer son positionnement comme chaire de référence nationale pour le domaine qui nous concerne. Tout cela est fait en étroite collaboration avec les partenaires industriels, la Fondation Mines-Télécom et avec les écoles, en particulier avec IMT Atlantique.
7. Véronique Stephan, Marc-Oliver Pahl, quel bilan tirez-vous de ces 10 années de collaboration ? Quels enseignements ou réussites majeures retenez-vous ?
Marc-Oliver Pahl revient sur une période charnière :
Lorsque j’ai pris la direction de la chaire au début de sa phase 2, nous traversions une période de forte turbulence : réorganisation interne, départ d’étudiants, retrait de plusieurs partenaires… L’avenir n’était pas écrit, loin de là. Mais c’est précisément dans ces moments-là que l’on peut refonder durablement. Collectivement, nous avons réussi à redonner un cap, à reconstruire des modes de collaboration efficaces et à fédérer autour d’une ambition partagée. Cela n’a été possible qu’en cultivant trois principes : écouter vraiment les besoins et les attentes ; prendre de la hauteur pour planifier à long terme ; encourager l’expérimentation, oser des méthodes de travail nouvelles. En quelques années, nous sommes passés d’un fonctionnement juxtaposé, où chacun avançait dans son couloir, à une coopération étroite et naturelle entre partenaires académiques et industriels. Aujourd’hui, la chaire est devenue un lieu de confiance, reconnu pour sa capacité à faire émerger du concret, du partage et de l’innovation. C’est sans doute notre plus belle réussite.
Pour Véronique Stephan, c’est une aventure partagée qui a permis à IMT Atlantique d’extraire certains facteurs clés de succès de ce type de collaboration :
- Entretenir une relation avec des entreprises d’une qualité reconnue ;
- Rester à l’écoute des besoins des partenaires industriels et adapter son offre en fonction ;
- Avoir un niveau d’excellence sur ses thématiques de recherche reconnu par les partenaires ;
- L’importance de partager et de communiquer pour valoriser les travaux de la chaire
- Et enfin, se positionner en tiers de confiance académique permettant à des partenaires industriels de collaborer sur des sujets sensibles ;
8. Norbert Chassang, Marc-Oliver Pahl, quelles sont vos ambitions pour la suite, dans le cadre du renouvellement de la chaire ?
Norbert Chassang souligne :
Aujourd’hui avec le lancement de la phase 4, nous donnons à la chaire une visibilité sur 3 ans. Il est important désormais de renforcer notre communication externe pour témoigner des résultats obtenus et convaincre d’autres partenaires de nous rejoindre dans cette dimension de recherche très amont. La chaire a cette chance d’inscrire son action dans un tempo et des sujets compatibles avec la coopération et non la compétition industrielle.
Marc-Oliver Pahl ajoute :
La chaire vit grâce à ses partenaires, et les évolutions naturelles de ce collectif sont une richesse. Le renouvellement actuel est l’occasion d’intégrer deux à trois nouveaux partenaires majeurs, qu’il s’agisse d’acteurs souhaitant nous rejoindre pour la première fois ou de partenaires historiques désireux de revenir. Chaque nouvelle arrivée apporte une respiration, une manière différente de regarder les sujets, et souvent des thématiques émergentes. Notre ambition est simple : poursuivre cette dynamique vertueuse, maintenir un fonctionnement qui a fait la preuve de son efficacité, et continuer à positionner la chaire comme un référent national en cybersécurité, capable d’attirer des partenaires qui souhaitent non seulement bénéficier de l’écosystème, mais aussi contribuer à le faire grandir. Nous avons devant nous de très belles perspectives, portées à la fois par la maturité scientifique atteinte et par l’envie partagée d’aller plus loin ensemble.
Avec cette Phase IV, la chaire Cyber CNI confirme son rôle stratégique dans la cybersécurité des infrastructures critiques. En fédérant industriels, chercheurs et élèves autour d’objectifs communs, elle contribue à anticiper les menaces, développer des solutions innovantes et former les talents qui façonneront la souveraineté numérique de demain.




